OFFICIELLE 2015
LA TECTONIQUE DES PLAQUES
22 - 25 Octobre 2015
Commissaire et texte: Audrey Teichmann
Notre projet d’espace d’exposition pour la FIAC Officielle offre de tourner le regard vers l’est de l’Europe, autour d’un duo : Angelika Markul (1977, Pologne) et Koka Ramashvili (1956, Géorgie). Le sens de cette rencontre est celui d’une tectonique des plaques : le glissement imperceptible d’œuvres-monuments, de territoires sombres, vers des lieux mémoriels communs, au profit de nouveaux champs de vision. Le travail des deux artistes autour d’images fragmentaires et fragmentées, ces narrations ou formes elliptiques, conduisent à l’abandon d’une sémantique de l’image restrictive, laissant à l’œil la liberté de combler l’écart interstitiel ménagé dans la matérialité même des pièces.
AUTOUR DES ŒUVRES
Un premier ensemble, frontal, est une composition d’œuvres inédites d’Angelika Markul : Sans titre (Bambi à Tchernobyl), réalisé en lien la vidéo éponyme (prix SAM pour l’art contemporain 2012).
Un ensemble de dessins est « commenté » par un 1986 en néon : l’année de la catastrophe nucléaire. Ce sont des images morcelées d’un voyage effectué en territoire interdit, sous haut danger de contamination. Placées sur un socle, sept sculptures - peaux d’animaux et de végétaux recouverts de cire noire - monumentalisent le dispositif mural.
Combiner de la sorte aplat et le relief place le spectateur au centre d’enjeux historiques, convoqués par des reliques transformées à la manière de la taxidermie : afin de faire œuvre de mémoire. La cire appliquée sur tous les matériaux – trait récurrent chez Angelika Markul – signe cette volonté de pérenniser ce qui n’est qu’événement.Tout comme dans la vidéo dont elle est une puissante déclinaison, cette série de pièces omet presque systématiquement le facteur humain, sinon en négatif. Même résultant d’une manipulation incontrôlée de forces naturelles, la catastrophe et son carnage apparaissent comme le jeu de forces souterraines, annihilant la possibilité d’une reconstitution de ce territoire morcelé qu’est devenu Pripiat. Sa coupure d’avec le reste du monde est comme une sentence d’exclusion après le désastre, et évoque un mouvement successif d’expansion et de repli, de tensions inversées, que le glissement de medium en medium infuse.
Un travail sur des forces sous-jacentes se fait également jour dans les œuvres de Koka Ramishvili. Deux peintures de la fin des années quatre-vingts, témoignage rare de l’une de ses plus fameuses périodes de production, quatre photographies, et un ensemble de sculptures inédites de 2015 seront présentées.
Auteur du pavillon géorgien de la Biennale de Venise en 2009, cet artiste pourtant rare en France poursuit ses recherches minutieuses autour des enjeux de la forme.
Ces enjeux apparaissent dans la lignée des artistes hantés par la question du châssis, de la toile comme support, surface, fenêtre. Deux toiles engagent une réflexion sur cette matérialité, et son possible contournement par l’ouverture de cadres dans le cadre. La conquête de la tridimensionnalité – débordement par-devant, percée vers l’arrière, trouve un contrepoint épuré dans les Lost Landscapes, sculptures et peintures au ras du sol ou au sol. La monochromie et l’abstraction côtoient le classicisme de la technique, hérité des peintres flamands.
La question des « blocs », du morcèlement, joue à plein, dans le volume ou l’évidement. C’est l’enjeu du simulacre – d’horizon, de radiation – que discutent ces œuvres, et qu’une série de photographies,les Ectoplasm Phenomena, continuent d’explorer. Ces falsifications d’images, superposant les couches de retouches, entament cette question, qui réunit l’œuvre entier de Koka Ramishvili : « Quel invisible est favorisé par quel visible ? » (Joerg Bader).
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